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Le communiqué du SLF – LME et réduction des délais de paiement


« La réduction des délais de paiment constitue une nouvelle attaque contre les librairies indépendantes »

L’Assemblée nationale a adopté, jeudi 5 juin, l’article 6 du projet de loi de modernisation de l’économie. Cet article prévoit de plafonner à quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours calendaires le délai de paiement convenu entre les entreprises.

Cette mesure est destinée à rééquilibrer les relations entre les grands distributeurs et les PME qui les fournissent. Or, les équilibres des relations commerciales dans le secteur du livre sont d’une toute autre nature : le « pot de terre » et le « pot de fer » ne sont pas là où les parlementaires le croient !

En effet, les librairies sont des entreprises de petite taille (le chiffre d’affaires de la majorité d’entre elles est inférieur à 1 million d’euros) qui se fournissent à 80 % auprès d’une demi douzaine d’acteurs dont les capacités financières sont sans commune mesure avec les leurs. Ces fournisseurs des librairies, qui n’ont d’ailleurs eux-mêmes jamais réclamé d’aménagement des délais de paiement, ne peuvent être mis en concurrence par les libraires puisque c’est à titre exclusif que chacun d’eux distribue les catalogues de dizaines d’éditeurs. Par ailleurs, 30 à 40 % de l’approvisionnement des libraires est constitué par des envois « d’office » sur lesquels il serait paradoxal de raccourcir les délais de paiement des libraires.

Les librairies n’ont pas la capacité financière suffisante pour faire face à un raccourcissement des délais de paiement. L’étude sur la situation économique des librairies indépendantes, conduite en 2007 par le Ministère de la culture et de la communication, le Syndicat de la librairie française et le Syndicat national de l’édition indique en effet que les délais de paiement sont, pour les libraires, de 63 jours en moyenne mais varient selon la taille des points de vente : jusquà 85 jours pour les plus grandes et 75 jours pour les librairies de petite taille.

Par ailleurs, le cycle d’exploitation des librairies leur est déjà défavorable en termes de trésorerie. Selon la même étude, la rentabilité des librairies est l’une des plus faibles de l’ensemble du commerce de détail (1,4 % du CA en moyenne ; 2 % en moyenne pour les plus grandes, 0,6 % pour les plus petites, soit à peine quelques milliers d’euros). Etant donné le nombre important de titre de fonds (plus de 83 % des titres vendus par les librairies sont des titres parus depuis plus d’un an), les rotations des stocks sont particulièrement lentes (3,4 en moyenne ; 4,2 pour les plus grandes et 2,4 pour les plus petites). Les créances clients sont importantes et notamment dûes aux marchés à terme des collectivités publiques (établissements scolaires, collectivités locales…). Ces données reflètent l’écart structurel entre le délai de règlement des fournisseurs par les libraires et le règlement des ventes aux libraires. Elles illustrent la structure de trésorerie déficitaire des librairies.

Après le dépôt d’amendements contre le prix unique unique du livre lors de la première lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale, le raccourcissement des délais de paiement constitue une nouvelle attaque très lourde contre les librairies.

Le Syndicat de la librairie française demande donc que le Parlement introduise des dispositions dérogatoires pour des secteurs tels que la librairie qui cumulent plusieurs facteurs défavorables : dépendance et déséquilibre économique vis-à-vis de leurs fournisseurs, stocks à rotation lente et besoins en fonds de roulement importants.

A défaut, un accord professionnel devra permettre le report de cette mesure au 1er janvier 2012, comme le prévoit la loi dans sa rédaction actuelle. Durant ce délai, il conviendra, avec les éditeurs, les diffuseurs et les distributeurs de livres, mais également avec les pouvoirs publics, de tout mettre en oeuvre pour que des dispositions spécifiques soient adoptées afin de tenir compte des particularités du secteur de la librairie, reconnues par le label que le Gouvernement et le Parlement ont mis en place en leur faveur en décembre 2007. En l’absence de telles dispositions, le raccourcissement des délais de paiement menacerait plusieurs centaines de librairies, c’est-à-dire des milliers d’emplois, mais également des pans entiers de la création éditoriale et une part importante de l’animation culturelle et commerciale des centres villes.

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