DEUX TYPES DE PILON
- Le pilon partiel ou la destruction d’une partie du stock d’exemplaires d’un titre. Ce pilon partiel peut toucher plusieurs catégories d’ouvrages :
- Les défectueux qui présentent des vices de fabrication et sont impropres à la commercialisation, soldés ou non. Une partie de ces défectueux est repérée par le distributeur avant la mise en circulation, une autre partie par le libraire ou même le client, ce qui provoque un retour des ouvrages aux distributeurs ;
- Les « défraîchis » ou exemplaires d’offices invendus. Après avoir passés plusieurs mois en librairie, ces invendus ne sont plus à l’état neuf. Certains, dont le coût de fabrication est élevé (livres d’art par exemple) font l’objet d’une restauration. D’autres, comme les livres de poche, sont presque systématiquement pilonnés car le coût de stockage – et bien entendu de restauration – est supérieur à celui d’un éventuel retirage ;
- Les surplus de stocks, liés à la surévaluation du tirage initial ou d’un retirage. Pour la grande majorité des livres publiés, il est impossible de déterminer à l’avance l’ampleur des ventes. La fixation du tirage initial est toujours un exercice délicat comme l’est la fixation du niveau des retirages car un retirage « court » est coûteux mais un retirage important peut intervenir alors que la commercialisation du livre décroît. Le pilon partiel permet d’ajuster le nombre d’exemplaires en stock au potentiel de vente sur plusieurs années. Il faut savoir que le coût du stock, facturé par le distributeur à l’éditeur, est important, ce qui incite ce dernier à se dégager de stocks « morts ». Le solde de ces ouvrages n’augmenterait leurs ventes à court terme que de manière très aléatoire ou modérée. Elle compromettrait par contre les ventes de ces ouvrages durant les années suivantes, sans compter le passage de ces titres en poche ou en club.
- Le pilon total correspond à la destruction du stock d’exemplaires d’un titre devenu invendable, c’est-à-dire d’un titre pour lequel l’éditeur renonce à baisser le prix public ou à arrêter la commercialisation « classique » pour le passer dans le circuit du solde (pratiques conformes à la loi de 1981) car il estime que le potentiel de vente est devenu nul. Cette décision touche majoritairement des titres à rotation rapide liés à une actualité courte, des millésimes, des échecs commerciaux ou des ouvrages remplacés par une nouvelle édition.
LA NATURE DES LIVRES PILONNES
Une étude conduite en 1991 indique que les livres pilonnés sont majoritairement des ouvrages de littérature générale (romans, documents d’actualité…) à rotation rapide (pilon total) ou à rotation lente (réduction de stocks = pilon partiel). Les livres scolaires peuvent être détruits lors des changements de programmes. Les ouvrages de référence – dictionnaires, encyclopédies… – ne sont pratiquement jamais pilonnés mais leur potentiel de vente qui fait l’objet d’études de marché précises peut plus facilement s’ajuster à la demande que les ouvrages de littérature qui correspondent à une logique de l’offre caractéristique du marché du livre. Dans ce secteur les ouvrages défraîchis sont par ailleurs remis en état. Les ouvrages de sciences humaines, pour leur part, font l’objet de faibles tirages.
On estime à 50 millions le nombre d’ouvrages retournés qui sont pilonnés (soit environ un retour sur deux et moins d’un ouvrage sur 10 mis en circulation) et à 30 millions le nombre de livres pilonnés pour réduire les stocks des distributeurs, soit de 4 à 5 % de l’ensemble des titres en stock chez les distributeurs et les détaillants.
LA DESTINATION DES TITRES PILONNES
Les ouvrages faisant l’objet d’un pilon sont vendus à des entreprises de recyclage qui les transforment en pâte à papier destinée à l’impression de la presse. Le pilon est donc un processus qui limite le coût de « stocks morts » pour les éditeurs et permet de transformer des livres invendables en journaux. Il est à noter que certains éditeurs prélèvent une partie des ouvrages destinés au pilon pour effectuer des opérations de dons dans les réseaux associatifs ou à l’étranger. Mais la péremption ou le faible intérêt de la majorité des ouvrages destinés au pilon expliquent que ces pratiques soient peu développées.
POIDS DE LIVRE ET DU PILON DANS L’ENSEMBLE DU MARCHE DE L’IMPRIME (presse, brochure, publicités…)
La consommation annuelle de papier en France s’élève à 10 millions de tonnes, dont 150 000 tonnes pour le livre, soit 1,5 % de la consommation totale. Le tonnage correspondant aux livres pilonnés est de 30 000 tonnes, soit 0,3 % de la consommation de papier.
Par ailleurs, le pilon est beaucoup plus important dans d’autres secteurs que le livre : 30% du tirage de la presse quotidienne ; 50% du tirage pour la presse magazine.
LES SOLDES, REMEDE AU PILON ?
- La proposition de réduire la période d’interdiction des soldes ne réglerait en rien la question du pilon car une majorité des ouvrages détruits dans ce cadre ne pourraient être concernés :
- le pilon total correspond à des livres stockés chez le distributeur et non chez le libraire. Ces livres n’ont plus aucun potentiel de vente à tel point que l’éditeur renonce à en baisser le prix public ou à céder son stock à des « soldeurs ». Il est donc tout à fait inenvisageable que ces livres puissent être remis dans le circuit classique de commercialisation afin d’être soldés ;
- les « défectueux » qui ne sont pas commercialisables et sont soit repérés en amont par le distributeur avant d’être envoyés aux libraires soit renvoyés immédiatement par celui-ci. Ces livres ne sont donc plus en stock dans la librairie au bout de six mois ou d’un an ;
- une bonne partie des livres défraîchis dont le contenu est périmé (livres informatiques, guides de voyage, ouvrages d’actualité, ouvrages « millésimés »…) ;
- les surplus de stocks qui sont entreposés chez le distributeur et non chez le libraire et dont le potentiel de vente est limité.
- On peut estimer au minimum à 60 à 70 % de l’ensemble des ouvrages pilonnés ceux appartenant aux catégories ci-dessus qui sont entreposés chez le distributeur et dont le potentiel de vente est limité ou nul. Ces livres ne peuvent être remis dans le circuit classique de commercialisation et soldés en librairie. En effet, cela reviendrait à multiplier les transports de livres pour des ouvrages que les libraires ne souhaiteraient pas vendre (et qui encombreraient leurs magasins déjà bien achalandés) et qui intéresseraient très peu de clients. L’effet écologique et économique serait bien plus important. Que deviendraient ces livres invendables que les libraires ne pourraient garder indéfiniment ?
- Si l’on retient l’hypothèse – en soi discutable – que les autres catégories de livres destinés au pilon, soit au maximum 30 à 40 % de l’ensemble de ces livres, recèlent un certain potentiel de vente (par exemple certains poches « défraîchis »), il est intéressant de rapporter leur valeur à celle des ouvrages de plus d’un an présents dans les différents circuits de commercialisation dont la vente serait très fortement déstabilisée par la dérégulation des prix au bout d’un an.Part des livres de plus d’un an dans le CA :
– 51 % du CA des librairies
– 75 % du CA des clubs
– environ un tiers du CA dans les autres circuits (grandes surfaces spécialisées, Internet, grande distribution).Sur cette base, on peut estimer que les ventes de livres de plus d’un an dans les différents circuits de commercialisation du livre représentent un chiffre d’affaires, en prix public, de 1,6 milliards d’euros, soit 40 % du marché. Si l’on valorise le chiffre d’affaires maximal théorique susceptible d’être réalisé avec les livres « commercialisables » destinés au pilon (c’est-à-dire en faisant l’hypothèse que l’ensemble de ces livres se vendent !), on aboutit à un montant de 250 millions d’euros (valeur en PPHT : 40 millions d’ouvrages à 9 € – prix moyen -, soit 360 millions ; valeur si soldés à – 30 % : 250 millions).
On voit ainsi que la proposition visant à déréguler les soldes au bout d’un an menace un chiffre d’affaires de 1,6 milliard d’euros pour un gain très hypothétique de 250 millions d’euros. On comprend dès lors les réticences des auteurs, des éditeurs et des libraires !
LES PROFESSIONNELS DU LIVRE, ACTEURS DU DEVELOPPEMENT DURABLE
Les éditeurs, les distributeurs et les libraires sont d’ores et déjà actifs sur la question du dévelopopement durable et oeuvrent ensemble afin de limiter les effets de leurs activités sur l’environnement :
- mise en place d’un groupe de travail sur les offices dans le cadre de la commission des usages commerciaux commune aux éditeurs et aux libraires. Réguler les offices, c’est limiter le transport de livres (flux aller et retour) et c’est contribuer à améliorer le fonctionnement de la chaîne du livre, jusqu’au pilon ;
- lancement, au sein de la Commission de liaison interprofessionnelle du livre (CLIL), qui réunit des éditeurs, des distributeurs et des libraires, d’une étude sur le transport du livre coordonnée par un ancien distributeur, André Imbaud, et conduite par le Cabinet Price Waterhouse Cooppers. Cette étude vise à identifier les améliorations susceptibles d’être apportées à la chaîne logistique du livre (gains de productivité, impact écologique) ;
- les professions du livre sont un secteur en pointe au niveau de l’expérimentation des livraisons de nuit (programme « Livraisons propres de nuit » à Paris) qui permettent une meilleure préservation de l’environnement et un meilleur respect de l’ « urbanité » : utilisation de véhicules de livraisons propres et silencieux, livraisons de nuit (moins de circulation et d’embouteillages le jour). Ce programme pilote est soutenu par l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).
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